Hommage à Mario Camus
Avec Carlos Saura, Mario Camus est l’un des réalisateurs espagnols à la carrière la plus prolifique ; de la génération du Nouveau Cinéma Espagnol contemporain à la Nouvelle Vague et autres “nouveaux cinémas” des années 60. Reconnu comme le spécialiste des adaptations littéraires, il est l’auteur de films basés sur des textes de Lope de Vega, Benito Pérez Galdós, Federico García Lorca et Camilo José Cela.
Son cinéma se caractérise par “l’esthétique du perdant”, car ses protagonistes sont des anti-héros : le boxeur raté de Young Sánchez (Julián Mateos), le gitan et le guérillero pourchassés de Con el viento solano et Los días del pasado, les entraîneurs sportifs de Volver a vivir et La vieja música, le combattant qui croit en un pays plus juste de La forja de un rebelde ou le marin qui se sent l’héritier de ces combattants de Después del sueño.
Avec l’amitié, les valeurs fondamentales de ces personnages sont la prise de conscience qui ne mène pas toujours à un changement positif ou à un avenir porteur d’espoir, l’éducation et la culture qui rendent plus dignes, le monde des livres comme référence permanente, le respect de la profession et l’amour du métier comme réalisation d’une vocation, ou encore le sport qui traduit l’effort et le combat pour la vie. L’approche du travail en tant que moyen de survie, le besoin de gagner sa vie sans dépendre de personne, la profession comme forme de réalisation et de projection de ses capacités, sont tout autant de signes du réalisme qui s’inscrit dans le cinéma de Camus.
Ce cinéma fait figure de chronique de la société espagnole presque tout au long du XXème siècle. La fracture sociale du premier tiers de siècle, avec les affrontements idéologiques et la progressive division des deux Espagnes qui mène à la guerre civile apparaît dans La forja de un rebelde. L’après-guerre des années 40 est présentée comme une époque triste et grise, de froid, de faim et de peur dans Los días del pasado et La Ruche (La colmena), où il est aussi question de la misère morale et intellectuelle, et de la dissidence politique face au franquisme.
Son œuvre la plus vue, reconnue et primée est Les Saints innocents (Los santos inocentes – 1984) adaptée d’un court roman de Miguel Delibes. Dans ce film, la vie dans une ferme d’Estrémadure sert à l’analyse du racisme de classe dans l’Espagne franquiste et de la marginalisation des paysans, soumis à une servitude qui relève presque de l’esclavage. Mais il reflète aussi la rébellion étouffée des plus jeunes qui aspirent à de meilleures conditions de vie et de travail.
José Luis Sánchez Noriega
Rencontre autour du cinéma de Mario Camus
Avec José Luis Sánchez Noriega, professeur à l’Université Complutense de Madrid
> Vendredi 18 mars, 20h45 | Cosmopolis