Dans Edition 2001, Hommage 2001, Invité.es 2001

Invité de ces 11e Rencontres du Cinéma Espagnol de Nantes, le réalisateur espagnol était à Nantes du 19 au 20 mars.

JOSÉ LUIS BORAU : « ENTRAÑABLE »

Entrañable, adjectif qui n’a pas d’équivalent exact en français et qui exprime à la fois l’affection, la cor­dialité et la profondeur, me semble être le mot qui pourrait définir ce cinéaste, aragonais comme Buñuel et Saura, et dont l’œuvre est encore insuffisamment connue en France.
L’on parle d’habitude, à son propos, de véritable « homme orchestre » du cinéma espagnol en rappelant qu’il a exploré la plupart des facettes de l’activité cinématographique. C’est ainsi qu’il a été tour à tour critique, scénariste, acteur, producteur (il crée en 1967 sa Société de Produc­tion, El Iman), professeur à l’École Officielle de Cinéma, Président de l’Académie des Arts et des Sciences Cinématographiques d’Es­pagne…

Si son œuvre est relativement rédui­te, puisqu’il n’a tourné que neuf longs métrages en bientôt quarante années de carrière, elle occupe une place importante dans l’histoire du cinéma espagnol.

Furtivos (1975) qui gagna la Concha de Oro au Festival de San Sébastian alors que Franco, le vieux dictateur n’avait plus que quelques mois à vivre, a été l’un des plus gros suc­cès de l’histoire du cinéma espa­gnol et une juste récompense pour le courage du cinéaste.

Il avait dû, en effet, tenir tête aux Autorités qui exigeaient des coupures et refusèrent que le film fût sélectionné pour, les Festivals de Cannes et de Berlin. Les « furtivos » qui donnent leur nom au film sont les braconniers, ceux qui vivent aux marges, et d’une façon générale « tous ceux qui font quelque chose en cachette, que ce soit tuer un loup, faire l’amour ou tout simple­ment souffrir. »

Río abajo (1984) (On the line, pour le titre en anglais) est à nouveau une admirable réflexion sur l’inanité des frontières de tout genre : politiques, linguistiques et culturelles. Tourné au Texas dans des conditions diffi­ciles, ce film où Borau était son propre producteur, évoque la longue frontière entre les USA et le Mexique et les drames que vivent les malheureux qui viennent s’échouer aux marches de l’Empire américain. Victoria Abril qui n’était pas encore très connue y est admi­rable.

Avec Léo (2000), unanimement salué par la critique et récompensé par le prix de la mise en scène à la céré­monie des Goyas de cette année, Borau a retrouvé la force de son écriture classique et efficace qui avait fait le succès de Furtivos il y a vingt-cinq ans déjà.

Comme l’écrivait la romancière Carmen Martín Gaite, grande amie du cinéaste récemment disparue, il existe, à vingt-cinq années d’inter­valle, une affinité souterraine et pro­ fonde entre Furtivos et Léo. À l’inter­prétation bouleversante de Lola Gaos dans le rôle de la mauvaise mère, fait écho, dans Léo, le jeu à la fois emporté et subtil de l’extraordinaire Iciar Bollain qui est égale­ment, par ailleurs, une cinéaste déjà chevronnée.

 

Emmanuel Larraz, Université de Dijon

Les 3 films de l’hommage

  • Leo (2000)
  • Río abajo (1984)
  • Furtivos (1975)
Río abajo (1984)Mario Camus, Katorza, 2001