Une édition au goût d’essentiel
Mars 2020
On se souvient tous du silence qui a baigné d’un coup nos vies, réduites brutalement, en raison de la crise sanitaire, à ce qui paraissait alors « l’essentiel ». Et nous dûmes, la mort dans l’âme, annuler la célébration du 30e anniversaire du Festival du Cinéma Espagnol.
Durant de longues semaines, sur la façade du Théâtre Graslin esseulé sur sa place déserte, l’actrice Marisa Paredes, notre affiche, invita, en vain, le public à découvrir le riche programme que nous avions bâti.
La stupeur passée, l’équipe du Festival affirma sa volonté de préparer de suite l’édition 2021. Le public nous a alors exprimé son émotion, son appui, ses encouragements. Les Pouvoirs publics, particulièrement attentifs à l’ensemble du secteur culturel, ont permis, par leur soutien, la poursuite de notre projet. Et nous réaffirmons avec détermination, les uns et les autres, que le cinéma, les arts, la Culture, font, pleinement, partie de « l’essentiel ». Ils le demeurent.
Mars 2021. Une cinématographie retrouvée
L’irruption d’une fameuse locomotive le 28 décembre 1895 dans le Grand Café de Paris, a surpris les premiers spectateurs du cinématographe naissant.
Près de 130 ans plus tard, le cinéma fait irruption dans nos salons, sur nos smartphones. La surprise ancienne bien sûr passée, demeure la découverte non pas d’une technique mais celle d’émotions, de projets artistiques et d’enjeux collectifs. Cette année, le Festival est « en ligne ». Il s’agira d’une édition « différente », certes, qui nous permettra de nous retrouver via les écrans et non pas face à eux. Du 25 mars au 4 avril, vous ne formerez pas la file dense, enjouée, souvent amicale, rue Corneille et loin jusque derrière Graslin. Mais vous pourrez découvrir une trentaine de films inédits (longs et courts, fictions, documentaires), et assister à des rencontres avec les réalisateurs et réalisatrices de tous les films en compétition. Des séances scolaires sont également organisées dans les établissements de Nantes et de sa région.
Carrousel générationnel
Si 2020, comme dans tous les pays, fut l’année des films qui manquaient à l’appel, elle n’en fut pas moins une année exceptionnelle pour notre programmation. Entre lauréats d’éditions précédentes et habitués de longue date se sont glissés des réalisateurs et réalisatrices en lice pour leur premier ou deuxième long-métrage. David Trueba, A este lado del mundo, Juanma Bajo Ulloa, Baby, Chus Gutiérrez, Rol & Rol, Jo Sol, Armugán, Javier Rioyo, Ángeles con espada côtoient une pléiade de jeunes cinéastes qui avec leur opera prima rencontrent la reconnaissance du public et de la critique. C’est le cas de Pilar Palomero, Las niñas, de Luis López Carrasco, El año del descubrimiento, de David Pérez Sañudo, Ane, de Pedro Collantes, El arte de volver et de Núria Giménez, My Mexican Bretzel, dont l’effervescence créative se reflète aussi bien dans le succès remporté dans les festivals que dans les prix obtenus aux Goya. A la diversité générationnelle, de genre et d’origine des auteurs a répondu la multiplicité des formes et des discours. On peut sentir au fil de l’édition 2021 comme il est passionnant aujourd’hui de faire jouer ensemble non seulement le réel et l’imaginaire, le lointain et le proche, mais aussi l’historique et l’invraisemblable, surtout quand celui-ci est vrai.
Un livre et des archives en ligne
Pour retracer la mémoire vivante de 30 ans de cinéma espagnol à Nantes, il nous fallait un bel ouvrage de 230 pages illustrées de 500 photos, avec des textes inédits, pour cheminer de nouveau dans les empreintes que nos rencontres ont inscrites, au Katorza, à Graslin, à Cosmopolis. Ce volume, qui sortira fin mars a été écrit « à des milliers de mains », les nôtres et les vôtres ; celles, aussi, d’acteurs, réalisateurs et autres professionnels qui témoignent ainsi des liens que nous avons tissés. Un parcours à travers nos archives audiovisuelles, accessible en ligne, complètera ce retour sur ces 30 ans.
Avec mai et juin pour perspective
Cette édition du Festival se prolongera dans les salles de cinéma (Katorza, Cinématographe) et au Théâtre Graslin, le temps de trois week-ends, en mai et juin, pour célébrer, enfin, le trentième anniversaire du Festival et rendre hommage à notre invitée d’honneur Marisa Paredes.
Dedans et dehors, le cinéma continue…
Pilar Martínez-Vasseur