Famille(s), je vous aime
Nombreuses, homoparentales, monoparentales, d’adoption ou choisies, grandes ou petites, traditionnelles ou atypiques… autant d’adjectifs qui désignent les familles (espagnoles) d’aujourd’hui. Ces dernières années ont vu la société espagnole changer profondément et de nouveaux types de familles apparaître, remplaçant ainsi des schémas familiaux plus classiques comme celui filmé en 1962 par Fernando Palacios dans La gran familia. Haïe ou chérie, la famille reste l’institution sociale la plus solide et aussi une source intarissable pour les cinéastes.
Comme miroir et point de départ de ce cycle consacré à la famille, une exposition, « Portraits de famille » / «Retratos de familia », proposée pendant les deux semaines de cette 21e édition, en collaboration avec l’Institut Cervantes et le Ministère espagnol de la Santé et des Politiques sociales, à l’Espace Cosmopolis. Soit 140 portraits, 140 familles, 140 façons de vivre, 140 réalités différentes et… un portrait collectif pour radioscoper l’Espagne du XXIe siècle. Ce ne sont donc pas une mais des Espagnes que saisissent les quatre photographes Juan Manuel Castro Prieto, Vicente López Tofiño, Raúl Ortega et Juan Manuel Díaz Burgos. En écho, une dizaine de longs-métrages viennent ouvrir des fenêtres, interroger nos préjugés et notre propre conception de la famille. Action !
La famille que l’on choisit
L’Espagne. Différente ? Avant-gardiste ? Les lois votées ces dix dernières années – la parité, l’avortement, l’adoption et le mariage homosexuel – ne témoignent-elles pas au fond tout simplement des réalités du monde d’aujourd’hui ? Ne viennent-elles pas puiser dans un certain cinéma qui, depuis longtemps, s’est penché sur elles et a osé pousser la porte, parfois l’enfoncer. À travers la caméra de Pedro Almodóvar, on a pu découvrir des familles monoparentales, homoparentales, d’adoption et choisies bien avant que les politiques ne s’en saisissent. La génération des réalisateurs qui arrive dans les années 90 continue de déconstruire l’archétype familial qu’on découvrait dans la comédie de Fernando Palacios. Avec Familia, Fernando León de Aranoa nous proposait déjà, en 1992, une famille désirée et pour le moins atypique. Dix-huit ans plus tard, Miguel Albaladejo revient sur ce thème plus que jamais d’actualité au travers de l’histoire de Flora, dans Nées pour souffrir / Nacidas para sufrir, qui décide de (re)fonder une famille avec la femme qui l’aide aux tâches quotidiennes afin de ne pas être placée en maison de retraite. À contre-pied de l’idée selon laquelle on ne choisit pas sa famille, Cocottes en papier / Pájaros de papel (Emilio Aragón) dépeint quant à lui une famille bel et bien choisie. Le groupe devient alors une famille pour le veuf et l’orphelin.
Portraits de famille(s)
Parfois, la famille est aussi source de joie, de doux souvenirs, de nostalgie, de moments tendres ; comme celle peinte par Francesc Herrero dans le documentaire Familystrip de Lluís Miñarro. Peu à peu, on y tutoie la famille du réalisateur à travers le regard de ses parents qui ont vécu la République, la Guerre civile, le Franquisme, la Transition et la Démocratie. Si la famille de Miñarro semble plus conventionnelle en apparence, elle démonte pourtant quelques clichés et nous donne à voir une famille moderne à une époque où le poids de la religion était très important.
Achero Mañas, regardant il y a sept ans du côté de la violence familiale avec El Bola, revient, lui, sur un noyau familial de nouveau meurtri. Il interroge le deuil, la paternité et l’identité dans Tout ce que tu voudras / Todo lo que tú quieras.
Mais la famille peut aussi être source d’incompréhensions, de tensions et de crises. Car la famille espagnole, aussi diverse soit-elle, n’est évidemment pas épargnée par l’adultère, l’absence de communication, la culpabilité… Une famille ordinaire en apparence peut en cacher une autre si l’on soulève La moustiquaire / La mosquitera. Agustí Vila brise ici les codes du cocon familial en invitant des névroses, des mensonges et des secrets… d’une famille au bord de la crise de nerfs.
Autre crise, autre film en sélection officielle : Elisa K, où Judith Colell et Jordi Cadena dévoilent au grand jour un silence et un souvenir douloureux qui transformeront à jamais l’héroïne.
Poids des non-dits, tensions et fuite sont également les maîtres-mots du nouveau drame de Manuel Martín Cuenca, La moitié d’Oscar / La mitad de Óscar, qui démontre à demi-mot que les relations fraternelles peuvent aussi être source d’ambiguïté.
Ainsi que
- Familystrip (2009)
- La gran familia (1962)
- Nacidas para sufrir (2009)
- Todo lo que tú quieras (2010)
Pour aller plus loin
Espace Cosmopolis | Vernissage le mercredi 23 mars, 18h30
Cosmo-rencontre « La famille dans le cinéma espagnol»
L’Espagne est-elle si différente ? Si avant-gardiste ? Doit-on légaliser en France le mariage homosexuel, à l’instar de l’Espagne ? Et l’adoption par les couples homosexuels ? Venez débattre autour de toutes ces questions lors de la « cosmo-rencontre » en présence de Lluis Miñarro (réalisateur de Familystrip et producteur de La mosquitera), Emmanuel Larraz (historien du cinéma, Université de Dijon) et Miguel Albaladejo (réalisteur de Nées pour souffrir).
Espace Cosmopolis | Samedi 2 avril, 18h