Goya à l’écran
Il est surprenant de constater que la vie et l’œuvre d’un génie comme Francisco de Goya (1746-1828) ont été relativement peu représentées dans le cinéma espagnol. Et ce n’est qu’en 1987 que l’Académie Espagnole des Arts et des Sciences Cinématographique lui a rendu hommage en donnant son nom aux trophées récompensant les meilleurs films. Les Goya sont l’équivalent pour l’Espagne des Oscar ou des César.
Il y a eu, à l’époque du muet quelques films historiques tels que El dos de mayo (1927) de José Buchs qui présentaient quelques séquences s’inspirant des tableaux les plus pittoresques afin de donner une image aimable de la vie à la cour de Charles IV et dans le Madrid populaire. Cette tendance s’est poursuivie dans l’Espagne franquiste et ce n’est qu’en 1971 qu’apparaît le côté sombre et tourmenté de l’artiste dans la première biographie, Goya, historia de una soledad de Nino Quevedo, où le rôle titre est tenu pour la première fois par le grand acteur Francisco Rabal.
Finalement c’est sur le petit écran que le cinéaste Mario Camus, s’appuyant sur une brillante équipe de scénaristes (Rafael Azcona, Eduardo Chamorro et Jorge Semprún) et bénéficiant de moyens importants, tourne en 1982 et 1983, une série de six épisodes d’environ une heure, Les désastres de la guerre où Francisco Rabal joue à nouveau le rôle du peintre et graveur, témoin de la guerre d’Indépendance (1808-1814), dont il donne une image antihéroïque en dénonçant l’inhumanité des combattants des deux camps.
C’est à la fin des années 90 que Goya apparaît à nouveau sur le grand écran avec deux films réalisés presque simultanément. Dans Volavérunt (1999) de Bigas Luna, le rôle du peintre dans la force de l’âge est tenu par Jorge Perrugoría et le film montre la violence de la passion que lui inspire Cayetana, la duchesse d’Albe (Aitana Sánchez Gijón) et l’intensité de son désespoir lorsqu’elle meurt mystérieusement empoisonnée. Dans Goya en Burdeos (1999) qui déroule, à l’envers, la vie de l’artiste, de la mort dans l’exil bordelais à la naissance, à Fuendetodos, en Aragon, c’est un Francisco Rabal vieillissant qui joue une dernière fois le rôle de sa vie, en collant de façon saisissante à l’image des derniers autoportraits
Enfin, se montrant digne du vieux Goya qui proclamait fièrement à plus de quatre vingt ans son amour de la vie, dans la gravure légendée Aun aprendo (j’apprends encore) , Carlos Saura vient de tourner, en 2021, un court métrage de 14 minutes, Goya.3 de mayo, qui s’ouvre sur des images tirées des Désastres de la guerre , suivies de la reconstitution par des dizaines d’acteurs du tableau peint en 1814 à Madrid, La fusillade du 3 mai 1808 , pour protester contre l’horreur de la guerre.
Emmanuel Larraz