Madrid, les indignés de la Puerta del Sol
Madrid, les indignés de la Puerta del Sol
"Tacones lejanos", revisité par Jerónimo Álvarez
"Tacones lejanos", revisité par Jerónimo Álvarez

TRANSITIONS, RUPTURES ET MARGES

En cette année 2012 où la crise, en Espagne, a frappé tous les secteurs, la culture en général et le cinéma en particulier ont connu une baisse de leurs budgets et de leurs subventions, en même temps que la hausse de leur TVA.

Paradoxalement, cette année aura été marquée par une production cinématographique flamboyante, inventive et d’une vitalité insolente. Ces films-là avaient été tournés avant 2012…

Une pléiade de fictions a connu le succès unanime de la critique, retrouvé le public espagnol (toujours réticent envers sa propre cinématographie) et de nombreuses récompenses à l’intérieur comme à l’étranger, notamment : Blancanieves, de Pablo Berger, L’artiste et son modèle , de Fernando Trueba, The impossible, de Juan Antonio Bayona, Unité 7, de Alberto Rodríguez, Un pistolet dans chaque main, de Cesc Gay ou encore les premiers films de Paco León, Carmina, marche ou crève et The end, de Jorge Torregrossa. Étrangement, dans chacun de ces films les images ne s’accordent pas, au moins de façon explicite, avec le climat de ruptures qui régit le temps présent de l’Espagne. Il s’agit plutôt des œuvres qui reposent sur une foi souveraine dans le cinéma comme art de l’incarnation et de la métamorphose, comme art sur la croyance dans les capacités inentamées d’un certain cinéma espagnol à raconter des milliers d’histoires lyriques, épiques et, pour certaines, sans paroles, en noir et blanc, pavoisant de nuances d’arc-en-ciel. La frénésie et la fragilité créative se retrouvent aussi dans les contours de ses personnages qui ne sont parfois qu’une ligne vivante, où tout est fait main, comme un jeu d’enfant, tel l’acteur José Sacristán dans Le Mort et être heureux de Javier Rebollo.

D’UNE MOVIDA À L’AUTRE

Les deux pieds dans le XXIe siècle, le cinéma, en 2012, est un art conscient, aussi, de son histoire, de ses transitions inachevées, de ses laissés pour compte, de ses révoltés-indignés et de la nécessité d’une démocratie toujours à réinventer. Ainsi les longs métrages Miel d’orangesLa conspirationLes deux mémoiresGuernica sous les bombesInsensiblesLes enfants sauvagesNous dormions, nous nous sommes réveillés et Fils des nuages rappellent à chaque plan, dans chaque séquence que quand les repères s’effritent on cherche à préserver des lieux, des objets, des gestes, afin de rendre habitable un présent dans lequel on ne se retrouve plus.

En contrepoint, Pedro Almodóvar joue de l’évasion, de la comédie, de l’esprit caustique et transgressif dans Les amants passagers pour mieux métaphoriser, sans doute, la société espagnole (tournant en rond….dans le ciel). Une façon aussi de regarder dans le rétroviseur avec un pincement au cœur, comme on se pencherait sur une boule de cristal au fond de laquelle flotte l’image d’un paradis perdu, celui des années 80, où tout était encore possible.

Plus qu’une programmation, qu’un palmarès, cette courte liste qui laisse de nombreux films de côté (mais que vous pourrez voir) est le reflet d’une tonalité – la plus étonnante – de ce beau cru du cinéma espagnol 2012.

 

Pilar Martínez-Vasseur