Guernica sur la grande toile
Il était logique de consacrer cette année, pour le 80e anniversaire du bombardement de Guernica, « cité sainte des Basques » selon le Guide Bleu, un cycle aux films qui ont évoqué ce que l’historien Pierre Vilar a défini comme « un événement-symbole » qui dépasse l’Espagne et prend une valeur universelle, de même que le tableau de Picasso qui lui est associé à jamais.
Alain Resnais dans Guernica (1950), le remarquable court-métrage qu’il a consacré à ces deux objets intimement mêlés : l’anéantissement de la ville et sa représentation picturale, a également eu l’ambition d’atteindre à l’universel.
Les deux films contemporains de la Guerre Civile espagnole Guernika, et Frente de Vizcaya y 18 de julio, tous deux tournés en 1937 sont, au contraire, deux films de propagande qui donnent deux images contradictoires de la guerre au Pays Basque. Le premier, destiné surtout à la propagande internationale dans l’espoir d’obtenir de l’aide pour les milliers d’enfants envoyés à l’étranger, donne une image idéalisée du peuple basque en insistant sur son attachement à la liberté, aux traditions et à la religion catholique. Dans le deuxième, réalisé par la Phalange, l’on manie l’injure contre les défenseurs de la République, accusés de profaner les églises, et l’on n’hésite pas à dénoncer « la presse juive et maçonnique », qui voudrait salir la réputation du Caudillo avec « la bave de son information calomnieuse ».
Le court-métrage en euskera, Ikuska 2, tourné en 1979, pendant la « transition démocratique » à Guernica par le cinéaste basque Pedro Olea, recueille les témoignages émouvants de sept rescapés, hommes et femmes, qui racontent, sur les lieux-mêmes où ils réussirent à survivre, leur terrible expérience.
Le long métrage Gernika. Markak (2016), également en basque, est une réflexion sur la force de la mémoire à partir d’interviews réalisées au sujet de Guernica par le jeune réalisateur Hannot Mintegia, qui dit avoir voulu fabriquer une sorte de puzzle en faisant le portrait de gens conscients du poids de l’histoire qui a marqué leur ville.
Enfin Gernika (2016), est une fiction tournée en anglais par le jeune réalisateur basque Koldo Serra qui, à partir d’une classique histoire d’amour en temps de guerre, qu’il situe à Bilbao en avril 1937, montre les affrontements au sein du camp républicain et a réussi à mettre en scène une spectaculaire reconstitution de l’horreur du bombardement de la ville martyr.
Emmanuel Larraz,
Historien du cinéma